Affaire de la Cour d’appel de Nîmes du 06 avril 2023, 2ème Chambre Civile

Dans cette affaire, une société a fait édifier 76 logements et pour la réalisation de cette opération de construction une police dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la MAF Assurance.

En date du 13 juillet 2010, le procès-verbal de réception des parties privatives et communes est intervenu.

Sur une assignation du 29 juin 2020 par le syndicat des copropriétaires ; une ordonnance de référé du 14 octobre 2020 désigne un expert judiciaire pour examiner des fissurations généralisées à l’ensemble des parties communes.

Toutefois, le syndicat n’ayant pas versé la provision de 3 000 euros pour la rémunération de l’expert faute d’avoir pu obtenir la validation du procès en assemblée générale.

La désignation de l’expert est devenue caduque.

Dès lors, le 20 janvier 2021 le syndicat des copropriétaires écrit un courrier à l’expert et lui fait part de son désistement de la procédure engagée.

Parallèlement il a introduit une instance devant le juge du fond pour obtenir la condamnation solidaire de la Société édificatrice et de la MAF Assurance au paiement des sommes destinées à réparer les désordres se manifestant sur les parties communes et leurs conséquences sur les parties privatives ainsi que les préjudices en découlant ; mais une fois de plus, le syndicat se désiste.

En revanche, estimant avoir subi des préjudices individuels et des troubles dans la propriété et la jouissance de leurs lots, des copropriétaires ont assigné le constructeur et la MAF Assurance, aux fins de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 6 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes a ordonné une mesure d’expertise et a fixé à 5 000 euros la provision à valoir sur les honoraires de l’expert à consigner pour la partie demanderesse dans les six semaines du prononcé de la décision.

La MAF a interjeté appel intimant 31 copropriétaires.

La difficulté dans cette affaire consistait d’une part à établir si les copropriétaires avaient qualité à agir et d’autre part à évaluer si la prescription décennale n’était pas acquise.

1. Sur la qualité à agir des copropriétaires individuellement

Face à ces problématiques, le Cabinet fait valoir que conformément à la loi du 10 juillet 1965, l’action des copropriétaires est recevable dès lors qu’ils se plaignent d’une aggravation des fissures extérieures ayant pour conséquences des infiltrations d’eau et des moisissures à l’intérieur, voire des flaques d’eau dans les parties privatives ; ou encore de préjudice découlant des désordres affectant les parties communes et portant atteinte à la jouissance de leurs parties privatives.

Par ailleurs, il soutient que l’action aux fins d’indemnisation n’est pas prescrite, l’assignation en référé expertise délivrée le 29 juin 2020 ayant interrompu la prescription décennale.

 Il ajoute qui plus est, que la caducité de la désignation de l’expert est dépourvu d’incidence sur l’interruption de la prescription et qu’il en va de même du désistement du Syndicat des copropriétaires de sa procédure au fond.

En effet, Maître Néant met en avant une jurisprudence permettant d’établir que si l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 donne seul pouvoir au syndicat des copropriétaires à agir lorsque l’action est dirigé contre un tiers à la copropriété, notamment pour la réparation des désordres affectant les parties communes de l’immeuble, il est constant cependant qu’un copropriétaire peut agir s’il démontre qu’il a éprouvé, du fait de cette atteinte, un préjudice personnel dans la propriété ou la jouissance de son lot et indépendant de ceux subis par la collectivité des copropriétaires (Civ 3ème 27/03/3013 n°12-12.121).

En l’occurrence, les copropriétaires intimés ont assigné en référé, après le désistement d’instance du Syndicat, la Société et la MAF aux fins d’obtenir une mesure d’expertise concernant les désordres dénoncés dans leur assignation et qui portent sur les parties communes et le cas échéants sur les parties privatives.

Il résulte que les copropriétaires subissant des désordres affectants les éléments intérieurs et privatifs de leurs villas justifient d’un préjudice personnel indépendant de celui subi par l’ensemble des copropriétaires, et par voie de conséquence, de leur qualité à agir en ce qui concerne les parties communes.

La Cour confirme de part ces arguments, que les intimés subissent chacun un préjudice de sorte qu’ils ont de ce seul chef qualité à agir devant la juridiction des référés pour solliciter une expertise judiciaire concernant les parties communes, ayant par ailleurs qualité à agir en ce qui concerne les parties privatives.

2. Sur les conditions d’application de l’article 145 du Code de procédure civile

En effet, afin de justifier son fondement, le Cabinet s’est fondé d’une part sur l’article 145 du Code de procure civile justifiant la sollicitation d’une mesure d’instruction nécessaire à l’établissement d’une preuve ordonnée par tout intéressé sur requête.

La contrainte était alors que l’existence d’un motif légitime n’est pas établie lorsque la procédure se heurte à une fin de non-recevoir et notamment à la prescription.

Il était alors primordial d’établir que la prescription décennale n’était pas acquise, et à ce compte, Maître Néant s’est fondé d’autre part sur les dispositions des articles 2241 et 2243 du Code civil relatif à cette prescription, et mettant en exergue le fait que l’assignation en justice interrompt les délais de forclusion et de prescription.

Il avance ainsi que la caducité d’une désignation d’expert qui n’atteint que la mesure d’expertise ordonnée, ne peut priver l’assignation introductive d’instance de son effet interruptif du délai de prescription (Civ 2° 26/09/2013 n°12-25.433).

A l’appui de cette jurisprudence l’objectif du Cabinet était de démontrer que l’instance en référé a pris fin par le prononcé de l’ordonnance du 14 octobre 2020 rectifiée suivant deux ordonnances du 9 décembre 2020 et 20 janvier 2021, et qu’aucun désistement ne pouvait plus intervenir après ce prononcé. Qui plus est, l’absence de consignation a seulement eu pour effet de rendre la désignation de l’expert caduque et est restée sans effet sur l’assignation aux fins d’expertise délivré le 29 juin 2020 par le Syndicat.

Dès lors, l’assignation en référé du 20 juin 2020 du syndicat des copropriétaires délivrée avant l’expiration du délai de 10 ans suivant la réception du 10 juillet 2021, a eu un effet interruptif à l’égard des copropriétaires, de sorte que leur action n’est pas prescrite et n’apparait pas en conséquence, qu’il s’agisse de leurs prétentions relatives aux parties communes ou aux parties privatives, irrémédiablement vouée à l’échec, le fait que le syndicat se soit par ailleurs désisté de son action au fond dirigée à l’encontre de la société et de la MAF important peu, s’agissant d’une instance distincte de celle en référé.

Ainsi, l’ordonnance de référé sera donc confirmée par la décision de la Cour d’appel de Nîmes.